dimanche 14 avril 2013

L’art de vivre des moines angevins

du Moyen Âge.

 

Prosper Mérimée, inspecteur général des monuments historiques, datait la chapelle Saint-Macé [Maine-et-Loire actuel] de la fin du XIe siècle ou du commencement du XIIe siècle. Ce prieuré « blotti sur un piton dominant la Loire » dépendait de la puissante abbaye bénédictine de Saint-Aubin d’Angers. Sur le mur méridional du monument, se déchiffre cette « inscription mystérieuse » du XIIe siècle en partie effacée. Le site « Geocaching » interprète ce texte comme « un avertissement aux vivants à penser à leur fin dernière »:

Souvenez-vous de ceux qui vous ont précédé, nous avons vécu mais hélas ! peste ! mauvais sort ! Nous avons été ce que vous êtes ; craignez maintenant pour vous. Nous avons vécu, nous avons mangé, nous avons bu, mais pas vilainement ; nous avons joué. Et maintenant, nous avons changé de demeure : pour des grandes, de toutes petites, pour celles qui sont en haut, celles qui sont en bas. Vous aussi maintenant, mangez, buvez. [trad J. Dubois].

Le prieuré Saint-Macé.


Il serait tentant, en effet, de voir dans ces vers une sorte de complainte (Memento mori : “ Souviens-toi que tu vas mourir ”) adressée aux occupants du prieuré par les morts qui s’entassent au pied du coteau. Toutefois, il s’agirait d’un total contresens. Dom Jacques Dubois, dans un bel article sur « La douceur de vivre chez les moines du Moyen Âge en Anjou » a montré que Saint-Macé était une sorte de résidence secondaire dépendant de la maison-mère.
Le prieuré faisait fonction de centre de loisirs où les moines de Saint-Aubin venaient par petit groupes rompre le rythme monotone –et lassant à la longue– de la vie communautaire. Ils s’y accordaient  des moments de détente (sans excès blâmable) et bénéficiaient de la joie de vivre au grand air. "Nous avons joué" ! Quand il fallait rejoindre la ville, on passait fraternellement le mot aux suivants : "Prenez du bon temps !"

Saint-Aubin: le cloître.

 Bref, comme le souligne aussi Hervé Martin (Mentalités médiévales, 1996,  p. 263) « ni la détente, ni le loisir, ni le farniente, n’étaient inconnus [au Moyen Âge], ni même les délices de la grasse matinée ». Encore faut-il ne pas aborder avec des idées préconçues les sources qui attestent de cet art de vivre.



1 commentaire:

  1. C'est cette "douceur de vivre" locale que Jacques Isolle a célébrée dans sa courte « Chronique de Saint-Macé », opusculum délicieusement illustré par Maurice Pouzet (http://images-00.delcampe-static.net/img_large/auction/000/074/472/343_002.jpg?v=1) et qui annonce sur le mode mineur le procédé qui sera magnifié par Umberto Eco dans « le Nom de la Rose ».

    André-Yves Bourgès

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